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Du catalogue d'artiste LA SEMENCE

Texte par Isabelle Riendeau - Critique d'art, commissaire et historienne d'art

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Avant - propos de la galerie

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La première fois que j'ai vu les oeuvres de Susan Edgerley,  j'en ai eu le souffle coupé.  Au début des années 80, Susan a présenté à la Galerie une oeuvre en verre - celle créée pour l'exposition des finissants - une oeuvre toute blanche, givrée, d'une minceur et d'une fragilité touchante, renfermant une petite quantité d'eau et traversée d'un barbelé rouillé.  Cette oeuvre m'a permis de vivre l'un de ces rares moments privilégiés dans une vie professionnelle : assister à la naissance d'une artiste remaquable.

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Depuis, Susan Edgerley a suivi avec constance son propre cheminement.  Tout en expérimentant les techniques traditionnelles du travail du verre, elle a réussi à innover en adaptant ces techniques selon une vision sculpturale toute personelle, faisant preuve, en cela, d'une étonnante polyvalence.

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Sa première série produite en 1984 et intitulée Les Berceuses lui a permis de révéler ce que deviendraient ses thèmes centraux majeurs : les contradictions inhérentes à l'existence, l'aspect éphémère de la vie et le passage du temps.  Dans sa vision, le verre se veut une métaphore à la fois fragile et durable, qui s'inscrit dans ses oeuvres avec éloquence et qui se combine poétiquement à plusieurs autres matières.

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Ces thèmes essentiels qui ont jalonné profondément ses oeuvres au cours des ans ont été retenus dans le cadre de la Série La Semence 1994 - 2001, qui comporte un nouveau fil conducteur dominant : la nature cyclique de la vie, où la vie et le mort sont perçus comme un tout indissociable.  Les notions d'individualité et de communauté s'expriment de manière abstraite dans les oeuvres de la collection From the One, comme un métaphore de la condition humaine, tandis que dans celles aux noms évocateurs de Vau, Echo, Metamorphoses et Cella, Susan Edgerley semble centrer l'être humain dans un univers plus grand.  Les jeux de lumière sur des centaines d'éléments de verre travaillé au chalumeau composent uniquement la moitié du tout, l'autre moitié provenant des ombres réfléchies par la lumière.  Ces oeuvres captivantes, à la fois sensuelles et austères, nous mettent au défi de décoder l'étendue des significations et des associations qu'elles renferment.

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Lorsqu'on aborde l'ensemble de l'oeuvre d'Edgerley, nous comprenons clairement la raison pour laquelle le verre est son principal moyen d'expression : cette matière possède une richesse au plan des caractéristiques et des contradictions à nulle autre comparable, avec toute la symbolique qu'on lui connaît.  Même si le verre entre depuis des siècles dans la compostion des oeuvres fonctionnelles et décoratives, c'est à notre époque que nous voyons des sculpteurs comme Susan Edgerley exploiter son potentiel sans pareil et saisir l'essentiel des choses pour les interpréter de façon poétique et unique.

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'UNE OEUVRE FÉCONDE'  - texte Isabelle Riendeau

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Puisant dans les thématiques universelles que découlent de questionnements existentiels, l'oeuvre de Susan Edgerley est résolument féminine et singulière, tant par son traitement audacieux du verre que par le langage formel organique qu'elle privilégie depuis le début de sa production.

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Les cycles perpétuels de la vie, l'évolution des êtres et les transformations causées par le passage du temps sont au coeur des rechereches de l'artiste comme en témoignent ses installations et sculptures calquées sur le comportement de la nature.  Malgré le recours à un traitement et un registre féminins ( la naissance, la fertilité, la semence, etc.) òu sa sensibilité transparaît, Susan Edgerley n'hésite pas à allier et confronter des matériaux apparemment irréconciliables : des éléments fragiles et délicats côtoient des masses solides et rigides, tandis que le verre, tantôt translucide, tantôt obscurci par le sable, s'accompagne presque toujours de cuivre, d'acier et de papier.

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​Avec la série la Semence débutée en 1994, l'artiste verrier traite, par les répétition et le multiple, de la continuité de l'espèce et du rapport de l'être vis-à-vis sa collectivité.  En créant des oeuvres sérielles dont les divereses pièces de verre disposées côte à côte proviennent du même modèle, Susan Edgerley évoque les possibilités infinies qui existent à partir d'une forme, cellule ou graine.  De façon symbolique, la matrice originelle de l'installation From the One donnera naissance ainsi fécondée à plusieurs éléments distincts les uns des autres, mais interdépendants.  Loin de perdre leur identité et leur particuliarité, ces formes ovoides de verre coulées dans le sable affirment au contraire leur caractère individuel au sein d'un monde plus vaste.  Faisant écho au clonage, les installations de Susan Edgerley s'en démarquent toutefois en ce sens qu'elles misent, dans la répétition des éléments, sur les différences et la singularité de chacun.  Bien qu'à la base, les formes demeurent identiques, les ajouts de cuivre et d'acier contribuent à les différencier et à doter chaque pièce de sa propre personnalité.

Plus dépouillées, sobres et translucides que les pièces colorées de la série From the One, les oeuvres Écho, Vau et Hive illustrent, par leur circularité, le fonctionnement cyclique de la nature en évolution perpétuelle.  Si la disposition rythmée des morceaux de verre en cercles concentriques évoque la vulnérabilité et la fragilité de l'existence, il se dégage d'Écho une énergie et une vitalité qui jaillissent de la moindre parcelle de verre.  Cette impression se trouve renforcée par le traitement dynamique et sinueux des pièces façonnées au chalumeau qui, comme les branches d'un arbre, se déploient et croissent en permettant à la sève de circuler en elles.

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L'utilisation prédominante du papier, agissant comme enveloppe protectrice pour les fragments de verre dans Vau, Hive et Métamorphoses, renvoie implicitement à l'éclosion de la vie et à la fécondité.  Alors que dans Vau l'enrobage du verre évoque le cocon, cet abri témoin des métamorphoses de chrysalides, la texture et le traitement du papier de lin enroulé de Hive rappellent le nid et la ruche où sont couvés les oeufs et grandissent certaines espèces.  Comme avec From the One, chaque élément de ces installations souligne le caractère unique de l'individu au sein de sa collectivité.  La fascination de l'artiste pour les apparences et les concepts antinomiques s'impose de façon prédominante dans Vau, Écho ou Métamorphoses grâce à l'interaction créée par la rencontre le l'oeuvre matérielle et de son ombre projetée.  Si les effets de lumière contribuent à renforcer la dynamique des multiples composantes de ces installations, la vraisemblance des ombres superposées et confrontées aux oeuvres réelles suscite chez le spectateur une réflexion sur l'être et le paraître, la présence et l'absence, le vrai et le faux.

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Depuis le début de la carrière de Susan Edgerley, le verre demeure le matériau privilégié pour dépeindre, avec sensibilité et poésie, sa vision personnelle de l'existence et exprimer ses préoccupations sur le sens de la création et l'évolution du monde.

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